Se faire de nouvelles promesses
Se faire de nouvelles promesses. Se promettre de ne plus recommencer. Aller son chemin. Ne pas écouter les conseillers attentifs pleins de sollicitude. Se méfier de toutes les certitudes. Continuer à avoir peur, être inquiet, ne jamais être sûr de rien. S’inquiéter du respect et se garder de la fausse insolence. Haïr la parodie. Se souvenir. Ne jamais oublier de tricher. Dire la vérité et ne plus s’en vanter. Abandonner les voies rapides et suivre les traces incertaines. Parfois aussi, de temps à autre, s’arrêter ne plus rien faire et ne pas affirmer que ce fût pour réfléchir. Prendre son temps. Ricaner dans les moments inopportuns. Sourire avec douceur. Ne pas être, jamais efficace, renoncer. Lutter contre les médiocres. Résister. Eviter toujours ces mots-là, ces choses qu’on ne comprend jamais, “le consensus”, “la conjecture”, “les synergies”, on a beau avoir fait des études, ces mots-là, on ne les comprend pas, alors on les laisse. Ne pas craindre l’affrontement. Ne pas craindre même, admettons, de provoquer l’affrontement. Chercher la bagarre, oui, “des fois”, et même juste pour rire. S’en moquer.
Garder en réserve,toujours au milieu des défaites, la légère et nécessaire ironie de la victoire.
Inversement aussi, j’allais dire.
Jean-Luc Lagarce,
Editorial de la plaquette de la saison 1991/1992 du théâtre Granit, Belfort.